Soustraction de la ligne de base d'un diffractogramme

  _Question [AvdL]

J'aimerais connaître votre avis sur la pratique de la soustraction de la ligne de base d'un diffractogramme.
La ligne de base est composée des contributions de différentes sources B1, B2, B3 etc; diffusion d'air, diffusion Compton, contribution du support, diffusion due à la présence d'une phase amorphe, etc. En général la source peut-être intra-échantillon ou extra-échantillon. Une pratique consiste en la mesure du porte-échantillon vide et de soustraire le signal du porte-échantillon vide de celui du porte-échantillon rempli.
Cette pratique me semble pertinente si le but est de déterminer le taux de cristallinité (p.e. après avoir rajouté une phase 'spike'). En revanche, cette pratique me semble inutile pour p.e. un affinement Rietveld, comme la modélisation de la ligne de base par p.e. des polynômes Chebyshev prend en compte toutes les contributions d'un seul coup.
Voilà, merci de partager vos avis sur ce sujet.

• [TR] La soustraction d'une ligne de base ne peut se faire correctement que si le porte-échantillon vide est mesuré dans exactement les mêmes conditions que l'échantillon à étudier : géométrie, fentes, domaine angulaire, pas d'acquisition, temps d'acquisition ... Dans le cas contraire, il faudra faire des normalisations, interpolations ... autant de procédures qui vont induire des erreurs sur le diagramme obtenu après soustraction point par point.
  Par ailleurs, une analyse fine d'un diagramme de poudres nécessitera dans ces conditions de mesurer 3 diagrammes :
  • un échantillon standard (ex: LaB6) pour déterminer la fonction de résolution du diffractomètre utilisé
  • le porte-échantillon vide
  • l'échantillon à étudier
  Si le diffractomètre utilisé est suffisamment disponible et que les collègues ne pressent pas trop derrière, pourquoi pas !
  Cette procédure peut effectivement s'avérer pertinente dans certains cas particuliers, comme par exemple la détermination d'un taux de cristallinité, mais aussi si le signal recherché est extrêmement faible.
  En diffraction neutronique, c'est une procédure qui se fait couramment lorsque l'on fait des études en température (dans ce cas les diagrammes sont généralement tous enregistrés dans les mêmes conditions), ce qui permet par exemple de s'affranchir :
  • d'une contribution paramagnétique
  • d'un environnement échantillon complexe qui perturbe l'analyse des diffractogrammes
  • ...
  et ainsi de faire "ressortir" de l'information qui semblait noyée dans le diffractogramme.
  Pour ma part, sauf exceptions (énumérées ci-dessus), il me semble préférable d'essayer de traiter toutes les informations contenues dans un diagramme de poudres, plutôt que d'enlever certaines contributions comme le bruit de fond mais également la contribution Ka2 si celle-ci est présente. La plupart des logiciels de traitement de diagrammes de poudres (FullProf, GSAS, Jana ...) permettent de modéliser et d'affiner le bruit de fond de manière très correcte (fonction polynômiale d'ordre n, polynômes de Chebyshev, filtrage de Fourier, points discrets ...). Sauf rares exceptions, cette modélisation du bruit de fond est efficace.
  Dans le cas de la contribution Ka2, les logiciels modélisent les profils de diffraction en tenant compte bien sûr des 2 longueurs d'onde Ka1 et Ka2 mais ils permettent également d'affiner le profil de la Ka2 différemment du profil Ka1, voire d'affiner le rapport en intensité entre les 2 longueurs d'onde.

  
  

• [RV] Juste une petite remarque au sujet de la méthode consistant à faire la mesure du porte-échantillon vide, si l’on parle bien de diffractomètres pour poudres, où la préparation se fait dans un support creux accueillant la poudre. Il me semble que ce ne soit pas toujours aussi simple, car selon le type de support et la profondeur du « creux », le signal provenant du support « vide » peut varier selon les cas.
  • 1. La diffusion aux petits angles peut varier en fonction de la profondeur du creux selon qu’il y a de la poudre ou pas, quelle que soit la poudre (à vérifier)
  • 2. Le signal émanant du support sous l’échantillon sera présent ou absent selon qu’il y a de la poudre par-dessus ou pas.
  • 3. Tout ce qui précède peut varier selon le coeff. d’absorption de l’échantillon
  En conséquence, je vois deux solutions pratiques, mais partielles, à cette situation :
  
  • a. Utiliser un support « neutre » monocristallin sous l’échantillon, dont la contribution au signal sera négligeable en cas de faibles quantités
  • b. A défaut de support neutre, plutôt que de faire la mesure à vide, je préfère utiliser une mesure d’un échantillon très bien cristallisé et modéliser les contributions évoquées dans vos commentaires en ignorant ensuite les pics de mon échantillon cristallin connu
  La forme du fond me paraît alors plus réaliste.
  Qu’en pensez-vous ?

  
  

• [AvdL] Oui on parle bien de la diffraction des poudres.
  Je pense que tu as raison quand tu dis que la mesure du porte-échantillon vide ne représente pas tout-à-fait le signal du porte-échantillon rempli moins celui emargeant de l'échantillon même. Mais cette différence est-elle flagrante ?
  Pour ta solution b) tu vas avoir le même problème que celui cité sous 3), c'est à dire l'absorption, si le coefficient d'absorption de la phase bien cristallisée n'est pas identique à celui de l'échantillon à mesurer.

  
  

• [PEP] Bonjour à tous, Je suis en gros d'accord avec tout ce qui vient d'être dit, mais j'aimerais apporter quelques précisions. Ce point est discuté en détail dans le chapitre 5 de cet ouvrage :
  "Underneath the Bragg peaks: structural analysis of complex materials" Par Takeshi Egami,S. J. L. Billinge
  http://books.google.com/books?id=ek2ymu7_NfgC&printsec=frontcover&hl=fr#v=onepage&q&f=false
  Malheureusement, ce livre est épuisé (et le chapitre 5 n'est pas visible sur Internet). Il est disponible à la bibliothèque de Grenoble (en prêt interuniversitaire). D'après le titre, vous avez compris que ce livre traite en détail les analyses PDF sur poudre. Pour ce type d'analyse, cette question est vraiment cruciale, et nous l'avons expérimentée depuis commencé à effectuer ce type d'analyse.
  Voir aussi : http://www.pa.msu.edu/cmp/billinge-group/programs/PDFgetX2/
  En ce qui concerne les analyses PDF, le problème est d'autant plus crucial en géométrie de Bragg-Brentano que la source utilisée est un tube en Mo ou Ag de façon à maximiser sin(theta)/lamda avant d'effectuer une transformée de Fourier. L'absorption de l'échantillon est donc moins importante qu'avec un tube en Cu, avec toutes les conséquences que l'on peut imaginer. Pour faire court, si on "voit" le PE dans la fonction de diffusion S(Q), il faut corriger le diagramme en tenant compte de la diffusion de l'air et de la diffusion du PE, elle-même corrigée de l'absorption de l'échantillon (il faut donc également tenir compte de l'angle). Tout ceci est assez délicat. Il faut en plus normaliser les données, corriger des effets de diffusion inélastique (en particulier Compton), de la fonction de réponse du détecteur etc... Le programme PDFgetX2 le fait assez bien en géométrie de Bragg-Brentano, mais il comporte un bug en géométrie de Debye-Scherrer.
  Nous avons essayé différents types de support. Finalement, le PMMA est ce qui marche le mieux (ou le moins mal), car sa fonction de diffusion est surtout importante aux bas angles (ceux-ci "pèsent" assez peu dans une PDF). En revanche, le support en Si monocristallin de Brüker s'est révélé être peu adapté au Mo. En effet, il est taillé dans le plan (911) du Si. Pour la Kalpha1 du Mo, la pic de diffraction est à environ 73° 2theta (en fait un peu moins car le PE fait 300 microns de profondeur), cad en plein milieu du diagramme (on peut aussi trouver le pic (711) de Si à 50° environ pour certaines orientations en phi du PE). En conclusion, le PE en Si, très bien adapté à un tube en Cu, est une catastrophe avec un tube en Mo, et à fortiori, un tube en Ag. Dans ce cas, il vaut mieux utiliser un support en polymère (en optimisant la profondeur en fonction de la quantité d'échantillon.
  Pour revenir à la question initiale d'Arie, je pense qu'il vaut mieux utiliser, avec un tube en Cu (ou Co), un PE en si monocristallin, qui demandera un minimum de corrections. A plus haute énergie, on fait ce que l'on peut : la géométrie de Debye-Scherrer est à mon avis préférable (elle est souvent préférée sur synchrotron), mais on peut avoir quelque-chose d'exploitable en Bragg-Brentano, en tout cas au Mo (avec un tube en Ag, je ne sais pas).